Year of refusal

Aussi à l'aise avec un bébé dans les bras que Michael Jackson, Morrissey revient avec un nouvel album plébiscité par les médias (4 étoiles dans Magic, 3 étoiles dans Rock&Folk, couverture de Technikart, etc.). Les critiques, aveuglés par le passé prestigieux (notamment au sein des Smiths) du Moz, séduits par son parcours "sans concession", "authentique", "crédible", "sérieux", impressionnés par la déférence unanime des confrères journalistes anglo-saxons à l'égard de l'artiste, veulent montrer à quel point ils ont - eux aussi - une sensibilité bien aiguisée et un bon goût n'ayant rien à envier à leurs homologues étrangers.

Du coup, on se retrouve aujourd'hui dans une situation complètement aberrante, où cet artiste jusqu'ici parfaitement recommandable, nous sort un album mauvais, dont l'écoute répétée ne fait qu'agacer (tant d'idées moches, tant de mélodies dignes d'un groupe de bal musette), sans que son prestige n'en prenne un coup, bien au contraire.

Cette situation est symptomatique du règne abscons du bon goût petit bourgeois (pléonasme ?) que l'on retrouve à tous les niveaux de la consommation culturelle.

L'excellent Bertrand Burgalat évoquait très bien le sujet dans les pages de Valeurs actuelles : "S'il existe un "véritable" mauvais disque, c'est bien celui qu'on achète sans l'écouter ou qu'on écoute sans l'aimer, pour le statut social qu'il confère ou, pire encore, pour la jouissance fugace, au moment du passage en caisse, d'appartenir au monde des gens de goût. Les classes sociales favorisées sont plus fragiles dans ce domaine : il reste assez facile de leur faire passer une piquette pour un bon petit vin de propriétaire".

Cette lucidité fait écho à la définition de Simon Le Bon du bon goût : "Le bon goût c'est de la connerie. Souvent ce n'est pas ce que l'on aime en réalité, mais ce qu'on croit devoir aimer".