Indochine ou le syndrome Johnny Hallyday
Vu hier soir, le concert du groupe Indochine au Zénith de Lille.
J'ai vu plusieurs fois Indochine en concert, mais aujourd'hui on peut dire qu'il y aura un avant et un après Stade De France (d'ailleurs, on était le... 12 septembre).
Je m'explique : le groupe a obtenu une ferveur populaire impressionnante depuis plusieurs années et maintenant, une fois le Stade De France accompli, il règne comme une ritualisation sacrée, hystérique et festive autour du groupe, qui le conduit finalement à endosser l'habit lumineux de la superstar (l'être parfait, en super forme, etc.) et à adopter les codes qui vont avec : animation énergique, propos entendus, culte de la personnalité, visuels impressionnants de démesure... le bonheur du fan de la superstar n'a pas de prix (humain et matériel). Indochine est devenu Johnny Hallyday. Qui l'eût cru ? C'était bien la peine.
Premier constat de ce statut d'icône historique nouveau :
les T-shirts "J'y étais" achetés au SDF et arborés avec fierté, genre : "J'ai vécu un moment historique et pas toi". Ce "j'y étais" a la même valeur intrinsèque que le "j'y étais" aux Bains Douches de Joy Division, au Altamont des Stones, au Vegas de Johnny (on a les "j'y étais" qu'on mérite), au Zénith de Ségolène Royal ("j'y étais" d'or), etc.
Deuxième constat :
a) l'ambiance "fête à neuneu" : on agite les bras de gauche à droite (mais c'est le chanteur qui le fait le mieux), le sentiment de fraternité délirante (j'ai entendu un mec hurler "Nico t'es mon frère !!!"... quel provocateur ce Christophe Sirkis), les hurlements de bovin(e)s en toute circonstance, la dimension "karaoké géant" (tout le monde chante, tout le temps, sans répit, pas moyen d'écouter l'interprétation du chanteur), etc.
Bon, en s'exclamant "putain" toutes les deux prises de parole, Nicola Sirkis nous rappelle qu'on n'est pas à la fête à neuneu mais à un concert de rock, ouf !
b) l'ambiance "Oh putain y'a la télé !!!" : un caméraman et un preneur de son ont arpenté les gradins, provoquant l'hystérie sur leur passage (et au-delà), réussissant l'exploit de monopoliser l'attention ahurie des milliers de fans décidés à montrer la ferveur unique qui les caractérise. Une fois rentrés chez eux, ils ont dû penser, en regardant le reportage sur France 3 : "Oh putain, on me voit pas, il a pas cadré assez grand" (un peu comme quand Emmanuelle Béart regarde ses films en DVD).
On n'a peut-être pas les beaufs qu'on mérite, mais quand on est une superstar, le tri sélectif n'est plus possible, il n'existe pas (comme chez moi).
Indochine est victime de son succès, Indochine a un public de stade, j'espère qu'ils en resteront au stade des préliminaires, parce que sinon ça va être un carnage.
Bon, à part ça, c'était bien, comme d'habitude.
Si Nicola pouvait apprendre à jouer "Juste toi et moi" en entier, ce serait encore mieux.