Miossec soutient François Hollande

En intitulant son nouvel album Chansons ordinaires, Miossec exprime explicitement son soutien à François Hollande, candidat "normal" à l'élection présidentielle. Maintenant que le candidat anormal du PS va consacrer son temps à voyager entre la France et les Etats-Unis pour sa défense, soutenu par la cocue 7 sur 7 (7j/7), la voie est libre pour Hollande, soutenu par l'idole des jeunes brestois : Miossec. Hollande n'a pas de charisme, il ne peut se positionner qu'en candidat "normal", gage de sérieux et de crédibilité républicaine. Conséquence du "Petit journal" de Canal + qui, à force de passer en boucle des images de Sarkozy s'oubliant l'espace de quelques secondes dans l'exercice de ses fonctions, est présenté comme un aliéné involontairement comique. Etre "normal", c'est ne pas avoir de défaut, ne jamais s'oublier. C'est surtout, on l'aura compris, ne pas avoir de défaut au montage et ne jamais s'oublier en présence des caméras du "Petit Journal". Etre "normal" ne relève pas de soi, être normal est un travail que les autre réalisent sur vous. On s'aperçoit à quel point Martine Aubry, nouvelle favorite des médias, apparaît comme "normale" actuellement.

Avant, on disait nul, ou médiocre. Maintenant, on dit ordinaire, normal.

Avant, les gens "ordinaires" ou "normaux" ne faisaient rêver personne, par définition. Dans une époque lisse comme la nôtre, être "normal" ou "ordinaire" est une question d'adoubement social, être comme tout le monde est devenu un concept. En conséquence de quoi nous n'avons que des chanteurs conceptuellement ordinaires à nous mettre sous la dent. Le mardi 21 juin, Jean-Daniel Beauvallet (des conceptuels Inrockuptibles), fondateur du concours "inROCKs lab", déclarait dans le quotidien gratuit 20 Minutes : "Nous étions assez mitigés sur le groupe Brigitte, mais le concept était suffisamment intéressant pour être mis en valeur". Le concept était suffisamment intéressant. Et la musique ? Elle compte pour du beurre (le concept étant l'argent du beurre).

Il est déjà loin le temps des Innocents et de leur tube "Un homme extraordinaire". Ce n'était pas une chanson normale ou ordinaire, c'était une chanson qui fonctionnait.

Maintenant un chanteur met un casque sur la tête, il devient Cascadeur (c'est mieux dans une industrie qui marche sur la tête). Encore un concept suffisamment intéressant pour être mis en valeur.

Dans les années 80, Goldman écrivait "Il changeait la vie", parlant des professeurs, des cordonniers, et des musiciens qui mettent leur tripes dans ce qu'ils font :

C'était un p'tit bonhomme, rien qu'un tout p'tit bonhomme
Malhabile et rêveur, un peu loupé en somme
Se croyait inutile, banni des autres hommes

Il pleurait sur son saxophone

Il y mit tant de temps, de larmes et de douleur
Les rêves de sa vie, les prisons de son cœur
Et loin des beaux discours, des grandes théories
Inspiré jour après jour de son souffle et de ses cris
Il changeait la vie

La musique qui change la vie, aujourd'hui, n'est pas un concept suffisamment intéressant pour être mis en valeur. Maintenant, ce ne sont plus les tripes, c'est un autre "trip".

Le dernier album de Thiéfaine, Suppléments de mensonge, est un chef-d'oeuvre. Il vient d'être certifié disque d'or et quelque chose me dit qu'il ne va pas en rester là. Heureusement, il y a toujours une éclaircie dans le monde "normal".