Francisque Cabrel
On a longtemps reproché à Hergé l’esprit colonialiste qui anime Tintin au Congo, avec la représentation de l’africain en petit être frêle inoffensif un peu simplet et habité par une âme d’enfant. Et c’est ce qu‘on a toujours reproché au colonialisme : la vision infantilisante des peuples autochtones. La vision de l’africain chez Hergé est donc dégradante, raciste, puisqu’elle souligne bien une différence entre les races en affirmant la supériorité de l’une d’elles.
Francis Cabrel, dans son dernier album, nous propose « Les cardinaux en costume », qu’on nous présente déjà comme une chanson engagée (ouh le vilain mot qui me fait toujours penser à la saillie de Ferré : « les vraies chansons engagées ne passent pas à la radio »).
Voici un extrait du texte : Et Mamadou qu’on transfert
A l’arrière de l’avion
Vers un endroit de la terre qu’ il ne connaît que de nom
Lui léger comme une plume, malheureux comme un enfant
Visiblement, Cabrel essaie de stigmatiser le racisme avec des propos qui en ont malheureusement la teneur (Mamadou est un être frêle, inoffensif, avec une âme d’enfant, parfait pour le casting de Tintin au Congo). Et en plus Cabrel désigne, et ça c'est très drôle, les donneurs de leçon : les "cardinaux en costume". Mais ceux-ci, qui constituent une part sans doute non négligeable de son public, ne se sentiront pas visés puisque le chanteur évite dans son habile démagogie de désigner avec trop de précisions ces cardinaux en costume (des gens qui bossent, occupés à nourrir leur famille, qui n'ont pas la chance d'habiter à Astaffort, qui ont des difficultés aussi, comme tout le monde, et qui ont un cœur, comme tout le monde). De même que certains ne manqueront pas de me rétorquer que Mamadou est sans doute un enfant. Mais « malheureux comme un enfant » ne signifie pas « malheureux enfant ».
Et le reste du texte est à l’unisson : caricatural, pathétique et dangereux.